Un arrière-plan plus ou moins banal, reproduit avec une exactitude minutieuse ; des personnages, au centre du tableau, qui paraissent prendre la pose, en fixant un objectif imaginaire. Les portraits en pied qu'a peints Brann Renaud ressemblent extérieurement à des photographies comme on en fait en famille ou entre amis. Mais ce n'est qu'en apparence qu'on est dans un monde connu et familier. Le paysage ou le décor sont rendus presque abstraits par la netteté du trait, qui en souligne jusqu'à l'étrangeté l'immobilité et le caractère conventionnel. Et les personnages, dans leur solitude, s'en détachent, comme s'ils n'y appartenaient pas, comme s'ils venaient d'ailleurs, comme s'ils ne faisaient que se superposer, avec leur rêve intérieur énigmatique, à un monde absent.


Dans d'autres tableaux, Brann Renaud isole, avec  leurs similitudes et leurs différences, des éléments  de notre environnement urbain, en introduisant là  aussi dans l'ordinaire apparent des représentations  une distance et un questionnement. Des véhicules  utilitaires sont à l'arrêt et nous tournent le dos,  nous bouchant pratiquement l'horizon, comme si leur  ville n'était pas la nôtre. Et devant différents  chantiers qui, en l'absence de toute activité,  semblent comme arrêtés et figés entre reconstruction  et ruine, un discret panneau de sens interdit semble  chaque fois inviter à se détourner, ainsi que le  fait, dans un des tableaux, un passant.


Jouant ainsi de menus détails ou les juxtaposant ou  multipliant dans un même tableau, Brann Renaud ne vise pas à être réaliste. Il utilise le réalisme  comme une technique non de reproduction mais d'interrogation du réel. Il peint la surface des  choses en la rendant par sa précision la plus  transparente possible, afin de donner à voir, à  deviner, à pressentir ce qu'au-dedans elle renferme  ou elle cache.

 

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